Le HCPP condamne à son tour la cancérologie low cost de l’ARS IDF
1er juin 2013
Le Haut Conseil des Professions Paramédicales demande à son tour le retrait du protocole de cancérologie low cost de l’ARS d’ile de France. Ci-dessous le texte adopté par cette instance (qui regroupe les organisations professionnelles de salariés et de libéraux, les ordres professionnels et les fédérations d’employeurs), sur proposition de Thierry Amouroux, Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC (19 voix pour et une contre) :
« Les études internationales sur les pratiques avancées montrent que pour assurer le suivi des patients chroniques, avec une prescription infirmière de médicaments, il est nécessaire que l’infirmière dispose d’une formation supplémentaire de niveau master. Et ce sur la base de travaux portant sur environ 330.000 infirmières de pratiques avancées dans 25 pays (avec pour les USA 220.000 infirmières en fonction depuis les années 1960, soit 50 ans de recul).
Dans sa séance du 29 mai 2013, le HCPP, Haut Conseil des Professions Paramédicales, considère que le protocole de « Consultation infirmière de suivi des patients traités par anticancéreux oraux à domicile, délégation médicale d’activité de prescription », autorisé le 28.12.12 par l’Agence Régionale de Santé d’ile de France dans le cadre de l’article 51 de la loi HPST, ne répond pas à ces recommandations de bonnes pratiques, et demande son retrait. »
Ce protocole contesté fait déjà l’objet :
– de recours gracieux du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC devant l’ ARS, le ministère et la Haute Autorité de Santé HAS (4 mars 2013) http://www.syndicat-infirmier.com/Cancerologie-low-cost-45h-de.html
– d’une saisine du Défenseur des Droits, Dominique BAUDIS (20 mars 2013) http://www.syndicat-infirmier.com/Saisine-du-Defenseur-des-Droits.html
– d’une mission parlementaire de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, sous la coprésidence de Catherine GENISSON et Alain MILON (26 mars 2013) http://www.syndicat-infirmier.com/Cancerologie-low-cost-le.html
– d’une saisine du Haut Conseil de la Santé Publique par le Conseil de l’Ordre des Infirmiers d’île de France, car contraire aux règles de bonnes pratiques (22 avril 2013) http://www.syndicat-infirmier.com/L-ordre-condamne-la-cancerologie.html
– d’une intersyndicale, qui doit être reçue par le Cabinet de la Ministre mi juin (24 avril 2013) http://www.syndicat-infirmier.com/Intersyndicale-CFE-CGC-FO-SNICS.html
L’article 51 de la loi Bachelot du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST) autorise les « coopérations entre professionnels de santé », c’est-à-dire un protocole entre professionnels, accepté par l’Agence Régionale de Santé ARS, pour effectuer la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de transferts d’actes ou d’activités de soins qui ne figurent pas dans notre décret d’actes (dit décret de compétences).
Pour le SNPI, s’il faut élargir les compétences infirmières :
– soit c’est juste rajouter un acte technique, et il faut alors le rajouter au décret d’acte, introduire ce nouvel apprentissage officiellement dans la formation initiale et le valider par le diplôme d’État
– soit c’est une nouvelle compétence, avec une prescription médicale limitée, sur le modèle de la sage-femme, et il faut deux années universitaires supplémentaires pour valider ces compétences, dans le cadre d’un métier intermédiaire validé par un Master, dans un cadre statutaire clair, sur le modèle de l’IADE.
Le refus d’un simple transfert d’actes pour gagner du temps médical
Le SNPI CFE-CGC avait souhaité lancer une consultation auprès des professionnels, au travers de son site internet, en décembre 2012 : sur les 13.234 infirmières, cadres infirmiers ou infirmières spécialisées qui avaient répondu, 87 % de ces professionnels infirmiers étaient hostiles aux modalités de ces coopérations.
Cette mesure dérogatoire est massivement rejetée par les infirmières car :
– 1) la formation est locale et aléatoire, elle n’est pas validante (souvent sur le tas, par le médecin qui souhaite déléguer cette tâche), et différente d’un endroit à l’autre. Les compétences sont donc discutables, en particulier la capacité de réagir correctement en cas de problème ou de complication.
– 2) ces nouveaux actes sont pratiqués sans reconnaissance statutaire et salariale. C’est d’ailleurs une fonction « kleenex », dans la mesure où si le médecin s’en va, le protocole tombe, et l’infirmière retourne à la case départ. Cette une « autorisation d’agir individuelle » et non une évolution professionnelle.
– 3) les ARS ont tendance à étendre les protocoles à d’autres régions, alors qu’il n’y aucune évaluation des résultats obtenus (aucun protocole n’a un an d’existence). Par exemple, 8 des 11 protocoles autorisés en Ile de France viennent d’autres régions. Enfin, la règlementation prévoit que l’évaluation repose uniquement sur une autoévaluation !
« Ces protocoles de coopération permettent juste de régulariser des situations existantes, de légaliser de petits arrangements locaux » selon Thierry Amouroux, le Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC. Mais ces protocoles ne comportent aucune garantie pour les usagers sur les qualifications et les compétences des professionnels impliqués, ainsi que sur la régularité et les modalités de leur exercice.